Des voyageurs à contre-courant :
Deux rétrospectives inédites aux RIDM !
Cette année, le festival met à l’honneur deux cinéastes incontournables : la franco-colombienne Laura Huertas Millán et le français Luc Moullet.
Laura Huertas Millán - Pour une ethnographie décolonisée
Colombienne établie en France, l’artiste Laura Huertas Millán réalise plusieurs œuvres d’art vidéo avant de se consacrer à une pratique cinématographique. Formée au Sensory Ethnography Lab d’Harvard, ainsi qu’au Fresnoy et aux Beaux-Arts de Paris, elle crée une œuvre d’une grande richesse formelle et conceptuelle qui emprunte autant au documentaire qu’à l’ethnographie et aux arts visuels, tout en remettant en question les conventions de chacun de ces genres. Elle développe d’abord une série sur l’exotisme (Journey to a Land Otherwise Known, 2011, Aequador, 2012), tournée entre les jardins botaniques européens et la forêt amazonienne de Colombie, qui mêle la science-fiction aux récits des conquistadors et des missionnaires pour déconstruire les représentations coloniales du soi-disant « Nouveau-Monde ». Elle poursuit son travail de décolonisation de l’ethnographie traditionnelle avec une série de « fictions ethnographiques » (Sol Negro, 2016, La Libertad, 2017, jeny303 et The Labyrinth, 2018), où l’hybridation des genres et le recours à la fiction permettent une libération du regard colonial, l’émancipation des sujets et la création de nouveaux récits. Dans cette série de courts métrages, c’est l’imagination et l’univers émotionnel des sujets qui guident la construction narrative et esthétique, au-delà du domaine du langage. Les films de Laura Huertas Millán ont été projetés dans de nombreux centres d’arts à travers le monde, en plus d’être sélectionnés entre autres au FIDMarseille, à Doclisboa, au TIFF, à Cinéma du réel, à Carthagène et au FICUNAM.
Luc Moullet - Un pied devant l'autre, un pas de côté
Le cinéaste français Luc Moullet a débuté sa carrière en tant que critique aux Cahiers du Cinéma, aux côtés des membres de la Nouvelle Vague, dont il va vite devenir l’enfant terrible en passant à la réalisation. Dix longs métrages et une trentaine de courts, des années 1960 aux années 2010, vont constituer au fil des années une œuvre aussi atypique que profonde. Connus pour leur humour pince-sans-rire, leur dimension critique et antiautoritaire, leur esthétique bricolée et leur sens de l’absurde, les films de Moullet ont été loués par ses pairs (Godard, Straub, Rivette). Malgré une démarche qui en a déconcerté plus d’un, Luc Moullet parviendra à poursuivre une carrière prolifique en se tournant fréquemment vers le format du court ou moyen métrage. Cette rétrospective sera l’occasion de (re)découvrir le parcours de ce cinéaste de terrain, marcheur amusé autant qu’observateur lucide, qui a décortiqué la comédie humaine (Anatomie d’un rapport, L’empire de Médor), des espaces délaissés (La cabale des oursins, La terre de la folie) à la société de consommation (Genèse d’un repas, Toujours plus), des paysages de la France rurale (Foix, Imphy) aux villes américaines (Le ventre de l’Amérique), en passant par l’imaginaire du cinéma (Une aventure de Billy le Kid). Ethnographe burlesque, aventurier de la banalité, Luc Moullet n’a jamais cessé d’être l’éclaireur indispensable de notre époque.
Merci à nos partenaires associés aux rétrospectives : le Consulat général de France à Québec, la Cinémathèque québécoise, le Cinéma Moderne, MOMENTA | Biennale de l’image, 24 images et le Conseil des arts du Canada.